Coup d’œil sur le monde de l’énergie La physique quantique / par Sophie Merle
Au tournant du vingtième siècle, à l’émergence de la physique atomique, science qui vise à explorer la matière jusqu’en ses ultimes profondeurs, une véritable révolution scientifique et philosophique s’est opérée : notre monde physique s’est en quelque sorte dématérialisé … se révélant tissé de la même texture énergétique, sans distinction possible entre une chose et une autre.
En plein cœur du mois de décembre 1900, Max Plank faisait une découverte cruciale, en notant que l’énergie n’est pas continue, mais qu’elle se libère en paquets séparés, donnant naissance à la Mécanique quantique (ou physique quantique). La “mécanique” est un terme de physique qui désigne l’étude du mouvement, et un “quantum”, la quantité de quelque chose. Dès 1927, les fondations de la Mécanique quantique (ou l’étude du mouvement des quanta), étaient mises en place.
Etat latent de la réalité, passage obligé de l’indéterminé au tangible, le vide est saturé d’énergie fécondantes, à l’origine de tout ce qui existe. L’ensemble de la création n’est qu’un perpétuel transvasement d’énergie : la matière dense se formant à partir de particules qui se nourrissent du vide, s’alourdissant jusqu’à acquérir une masse, puis se diluant à nouveau dans le vide, provoquant ainsi le changement constant qui caractérise la marche du monde. Dans les abysses de l’univers, la matière apparaît sous une forme mouvante, constituée de particules atomiques. Une particule atomique se présente comme un emboîtement sous-jacent de particules subatomiques, dont la dernière est nommée “particule élémentaire” (jusqu’au jour où des moyens techniques plus poussés permettront de la diviser encore).
L’exploration du monde subatomique s’effectue au moyen de puissants accélérateurs de particules, qui décomposent l’atome en ses constituants élémentaires, dans un télescopage gigantesque, provoqué par une poussée d’énergie propulsée à une vitesse proche de celle de la lumière.
Les traces laissées par les particules sont détectées et enregistrées par un appareillage d’une extrême sophistication, puis décodées par des virtuoses de l’arithmétique abstraite. Les profondeurs de l’univers sont situées dans une contrée que le commun des mortels ne peut franchir, bien au-delà des limites que nous imposent nos cinq sens et notre esprit rationnel.
Les mathématiques sont le langage de l’univers et l’ordre sous-jacent de la nature s’exprime en formes abstraites d’une somptueuse élégance. A l’échelon de l’infiniment petit, tout n’est plus qu’une constante fluctuation d’énergie, se dévoilant dans une mélodie incomparable de beauté (à ce qu’en disent les privilégiés du langage quantique !).
Les principes de base de la physique classique, formulés par Newton, stipulent que notre monde est gouverné par des lois immuables, qui le font progresser dans un mouvement similaire à celui d’une horloge, c’est à dire, de manière strictement prévisible. A l’inverse, les théories de la physique quantique (solidement établies par d’innombrables expériences) révèlent que rien ne possède de forme définie avant d’être observé, que l’univers est indéterminé, et sujet à des fluctuations imprévisibles (qu’une chose peut exister et ne pas exister en même temps), et que le présent ne détermine pas le futur avec précision (qu’une cause ne produit pas un effet qu’il est possible de connaître d’avance). Le monde de l’infiniment petit n’est pas gouverné par des lois irrévocables, mais par ce qu’on nomme le “principe d’incertitude” (formulé en 1927 par Werner Heisenberg).
Les théoriciens de la physique quantique, se rapprochent actuellement de la découverte de l’unique agent fondateur de l’univers, et tentent d’établir l’ultime équation (qui rassemblerait tous les principes connus dans une théorie unifiée). Notre monde de tous les jours nous offre une réalité bien différente des principes énoncés par la physique quantique, absolument impossibles à concevoir rationnellement. Même Albert Einstein, vers la fin de sa vie, ne put admettre toute l’implication révolutionnaire de ses propres découvertes sur la manifestation de l’univers. C’est pourtant lui qui a initié le développement de la physique moderne, démontrant, le premier, que le vide et la matière sont rigoureusement identiques. Ce qui nous paraît si solide est pour ainsi dire constitué de vide. En effet, toute la création physique n’est composée que d’atomes dans lesquels résident un noyau, et si l’on voulait comparer l’atome à la salle des Pas perdus de la gare Saint-Lazare, son noyau, en proportion, ne serait pas plus grand qu’un grain de sable ! Sous la puissante lentille optique de la physique quantique, la matière se décompose jusqu’à disparaître dans le néant, un vide bouillonnant de vie, fondement absolu de tout ce qui existe, un lieu où l’énergie change continuellement de formes, les particules apparaissant et disparaissant dans le vide à des vitesses prodigieuses. Dans ce monde des profondeurs, l’énergie, le temps, et les distances forment un ensemble intimement lié, où les électrons se donnent la réplique, dans des échanges d’énergie et d’information, parfois ondes, parfois particules, se revêtant différemment selon leurs affinités relationnelles, ou en évaluant instantanément des décisions prises par leurs semblables en un autre point de l’univers.
Dans la réalité quantique les événements se produisent spontanément, sans qu’on puisse en suivre le cheminement. Il est impossible, à ce jour, de prédire les phénomènes subatomiques avec précision, parce qu’on ne peut pas connaître le point de départ d’un électron en mutation, en même temps que son point d’arrivée, ni rien savoir de son trajet ou même de son existence dans l’intervalle. Il n’est question que de probabilités, mesurables par des équations, quant à elles, parfaitement fiables. Mais plus étrange encore, l’évidence quantique ne se montre que lorsqu’elle est observée. En quelque sorte, l’observation produit la réalité. La présence de celui qui observe le champ vibratoire, de même que ce qu’il s’attend à y trouver, provoque ce qu’il voit. L’observateur d’une expérience quantique en fait intégralement partie. Sans lui, le monde de l’infiniment petit n’existe pas. L’univers participe ainsi à sa propre création, dans un dialogue constant avec lui-même, tissant une trame unique et indivisible. Découverte par Benoît Mandlebrot dans les années 1970, la géométrie fractale, du mot latin “fractus” (brisé ou fragmenté), s’est développée en donnant corps à des formules qui permettent de créer, sur ordinateur, des images fascinantes de beauté. D’une complexité extrême, nommées “Empreintes de Dieu” par certains, ces images peuvent être agrandies, en tout point, jusqu’au dimensions de l’univers, autrement dit, à l’infini.